Principes & recherche

L'apprentissage du Wing Chun peut se comparer à celui de la musique : une note est juste où elle ne l'est pas, on est dans le rythme ou on ne l'est pas, et tout ceci est le résultat d'un travail technique (solfège, gammes ... et ce même dans le cas de "nouvelles" méthodes qui contournent ce travail et le remplacent par une autre forme de pédagogie).

A partir de ce travail, et même si la partition a été écrite par un autre, la musique "appartient" à celui qui la joue : elle est l'expression d'une personne unique. Deux chanteurs n'ont pas la même voix, pas la même personnalité, la même sensibilité et c'est là toute la différence ! 

Et en Wing Chun ? Il existe différentes manières d'interpréter la partition, et c'est pour cela que toutes les écoles ne se ressemblent pas totalement. Certaines écoles vont privilégier l'enracinement, d'autres la mobilité, certaines la force, d'autre le relâchement. C'est un choix. Un choix important, car c'est celui qui va déterminer "comment on va jouer la partition". 

A Lao Long, le point de départ de notre recherche, c'est de suivre la piste du Kung-Fu qui permet au "plus petit" d'avoir une chance contre "le plus grand".

Chu Shong Tin (Wing Chun) : la force interne

"Si je pèse 65 Kg et que mon adversaire en pèse 30 de plus, est-ce que mon Kung-Fu fonctionne ?"

A une époque où les arts martiaux n'étaient pas un sport mais un moyen de survie, il n'y avait pas de catégories de poids comme on les connait aujourd'hui. La logique du plus fort a une limite : on la perçoit le jour où on rencontre une plus fort que soi. Ou un plus jeune, ou les deux. Cette question a guidée toute sa vie la recherche du maître japonais Akira Hino. Akira Hino parle notamment de Jukozo ("structure flexible"), à l'image des constructions traditionnelles japonaises capables de résister aux tremblements de terre.

Tout au long de l'Histoire des arts martiaux, des plus petits, des moins jeunes ont démontré qu'il était possible de faire mentir la loi du plus fort : c'est tout le sens de notre quête à Lao Long (Et ce n'est pas le plus facile !).  En une phrase :

“ Ne conquiers pas le monde par la force, car la force engendre la résistance.” Lao Tseu

Akira Hino (Hino Budo)

Une des qualités souvent mises en avant pour la pratique du Wing Chun, c'est "avoir de l'ancrage". On ne compte pas les démonstrations où des colosses "poussent" des maitres sans réussir à les faire bouger : "solide comme un roc". 

Mais que va t-il se passer pour un individu "normal" ("normal" = auquel il faudra 4 ou 5 vies pour atteindre le niveau des grands maîtres), si le colosse pèse 30 kg de plus, et qu'il distribue une triple volée de coups de poings ? Combien de temps va t-on rester ancré, solide comme un roc et fier comme sur une vidéo Youtube ? Pas très longtemps. Une constante dans l'histoire militaire, c'est que la protection d'un blindage ne dure que le temps de trouver des munitions plus efficaces pour en venir à bout. 

 "Si à 50 ans t'es pas enraciné, t'as raté ta vie" (?)

Si l'ancrage, c'est avoir les deux pieds collés au sol sans savoir bouger, et attendre qu'un autocar nous arrive sur la figure pour voir si on tient, alors nous considérons que pour la majorité des personnes, cultiver cette qualité, c’est aller au devant des désillusions. Et si l'ancrage c'était autre chose que d'avoir les deux pieds pris dans le béton ? 

Dans cette logique d'enracinement, certaines écoles de Wing Chun font le choix d'éviter les techniques de coups de pieds (car ils font perdre votre "enracinement") ... Mais pourtant ces coups de pieds ont toujours existé dans notre Kung-Fu, et nous les travaillons très tôt à Lao Long. En effet, en y réfléchissant, plutôt que de s'attaquer au point fort d'un adversaire (sa masse), cela peut-être pertinent par exemple de s'attaquer à son point faible (son genou, qui lui-même supporte sa masse ...)

Chercher l'équilibre dans chaque déséquilibre, comprendre la maîtrise du déséquilibre dans la perception de l'équilibre.

Pour mieux comprendre, regardez un surfeur sur la vague : c'est peut-être un des meilleurs exemple de stabilité dans l'instabilité, et de non résistance.

Au cours de notre pratique, les exercices d'ancrage ne sont pas un but, mais un travail de proprioception qui nous permet de prendre conscience de notre enracinement, de découvrir ("sentir") notre structure, et surtout d'en comprendre les limites (qu'est-ce qu'on peut recevoir et quand on doit plier plutôt que de rompre) Nous cherchons donc à développer un sens de l'équilibre qui sera mis à profit pour maitriser le déséquilibre : le déplacement et la fluidité plutôt que l'enracinement et l'inertie. 

Rapidement vous pratiquerez des exercices sur une jambe : afin d'apprendre à mieux tenir sur deux.

Cette recherche a pour but de contourner voire d'utiliser la force de l'adversaire, et non pas de s'y opposer. L'utilisation du concept d'ancrage vise surtout à déraciner l'adversaire, plus qu'à s'enraciner soi-même. 

Notre recherche, c'est la quête d'une qualité à plusieurs facettes. En quelques mots, voici sous la forme d'une petite liste ce que nous cherchons à développer et à combiner :

  • Trouver son axe (travail postural)
  • Élever le sommet du crâne (se suspendre au ciel) - Étirer la colonne vertébrale
  • Aligner, connecter chaque segment de son corps ("corps uni")
  • Se relâcher
  • Utiliser son propre poids plutôt que la contraction musculaire, utiliser le sol pour absorber ou restituer l'énergie
  • Regarder dans la bonne direction, mettre la bonne intention
  • Mettre en mouvement (!). Entendre par là :  conserver ces qualités quand on est mobile (Tout de suite, ça change l'ambiance)
  • Respirer - Sourire (?) 
  • Et cette liste ne finit pas de s'allonger au fur et à mesure de nos recherches ...
Akuzawa Minoru (Aunkaï Bu Jutsu) ... 65 kg, un maître de puissance "interne"

Tendre les mains vers le ciel, attirer l'énergie de l'Univers, sentir un picotement dans les doigts et se dire qu'on a atteint l'illumination : "effet Wouaouh garanti ?"

Est-ce qu'il y a "de l'interne" dans notre Wing Chun ? Sans doute, mais certainement pas au sens quasi mystique commercialisé à destination de nombreux pratiquants occidentaux en quête d'ésotérisme. On cherchera plutôt à découvrir comment notre corps fonctionne et comment au travers d'exercices nous allons peu à peu apprendre à mobiliser les muscles profonds, les tendons, les alignements ... Et laisser "l'énergie" circuler tranquillement sans auto-suggestion ou images mentales.

Le tout dans une perspective d'efficacité martiale.

Nous n'avons pas la prétention d'avoir toutes les réponses à nos questions, loin de là. Nous savons juste qu'avant nous d'autres ont trouvé des réponses, et comme le dit cette maxime : "Ne cherchez pas à copier vos maîtres : cherchez ce qu'ils cherchaient" 

Toutes ces questions nous guident, nous accompagnent, et au cours de chaque entraînement ou presque, nous consacrons un temps pour "chercher des réponses, expérimenter et essayer de comprendre" avec notre corps. Bien évidement, tout ne fonctionne pas toujours, pas à chaque fois, cela prend du temps et nous devons accepter d'être confrontés à nos difficultés et nos échecs : ce sont ces derniers qui nous permettent de progresser.  

Si vous vous reconnaissez dans cette recherche : bienvenue !


 


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